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Voyager avec un instrument de musique

Votre instrument ou votre archet contient de l’ivoire, du palissandre ou de l’écaille ? Quelques précautions pour éviter des ennuis avec la douane sont indispensables. 

La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (plus simple à l’usage, le sigle anglais CITES est plus couramment utilisé), signée par 182 états, vise à la conservation et à l’exploitation durable des populations animales et végétales de notre planète. Cette convention part du constat qu’un commerce international excessif risque de constituer une menace sérieuse pour de nombreuses espèces. La Suisse compte parmi les premiers états à avoir signé la CITES, entrée en vigueur en 1975 ; elle en est dépositaire et le siège de son secrétariat se trouve à Genève. Les annexes à la Convention recensent actuellement plus de 5000 espèces animales et plus de 29’000 espèces végétales. Ces dispositions s’appliquent autant aux plantes et aux animaux vivants qu’à leurs parties ou aux produits qui en sont issus. Seules sont protégées les espèces dont la principale menace provient du commerce international.

1a Bartolomeo BetteraEn quoi cela concerne-t-il les instruments des musiciens ? D’une part, même les objets (ou animaux) dont nous sommes propriétaires sont potentiellement concernés par cette convention dès lors qu’ils franchissent la frontière. D’autre part, des matériaux utilisés pour la fabrication de certains instruments de musique font partie des espèces protégées, comme par exemple l’ivoire, le palissandre de Rio, le bois de pernambouc, l’ébène de Madagascar ou l’écaille de tortue. Heureusement, des dérogations ont été prévues dans le cas où ces matériaux, intégrés lors de la fabrication de l’instrument, auraient été acquis avant leur inscription sur la liste de protection ou s’ils étaient issus de stocks légaux enregistrés.

Passeport pour instrument de musique

Pour prouver l’acquisition légale d’un instrument concerné par la CITES, un passeport est délivré sur demande. Disponible en Suisse depuis le 1er janvier 2014, ce passeport, valable trois ans, coûte CHF 50.- et peut être obtenu au moyen d’un formulaire disponible en ligne (voir lien ci-dessous). Ce passeport ne mentionnera que les matériaux protégés de l’instrument en question ; évidemment, aucun passeport n’est délivré pour les instruments qui n’en contiennent pas. Il existe par ailleurs une procédure simplifiée pour les tournées d’orchestres ou d’ensembles, à condition que la demande soit formulée au minimum deux mois avant le début de la tournée.

Comment déterminer si votre instrument contient une espèce ou un matériau protégé ? Soit par l’expertise d’un luthier, soit par l’attestation d’une assurance. Et comment définir si ces matériaux protégés ont été travaillés avant l’entrée en vigueur de leur inscription dans la liste CITES ? Si on ne possède pas de document prouvant son achat, une attestation fiable de l’origine de l’instrument (par exemple lors d’un héritage) peut suffire à l’autorité CITES Suisse. Cependant, il n’existe aucune garantie de reconnaissance du passeport pour instrument de musique par tous les états signataires de la CITES, puisque ceux-ci peuvent appliquer des lois nationales plus sévères. Le cadre légal est par exemple plus strict aux Etats-Unis que dans l’Union Européenne, tandis que l’Australie ne reconnaît pas le passeport. Il est donc recommandé avant chaque voyage de s’informer des pratiques du pays de destination, ainsi que d’avoir avec soi les certificats et expertises de luthiers inventoriant les matériaux utilisés, même si votre instrument ne contient aucun matériau d’espèce menacée, dans le cas où des doutes pourraient survenir à la douane.

Eviter les problèmes à la douane

Ainsi, de pénibles moments peuvent être évités à la douane, où personne ne peut se dire à l’abri de soupçons erronés ou d’un excès de zèle. En cas d’absence de passeport ou de pièce justificative, la douane peut même confisquer l’instrument, avec des conséquences potentiellement néfastes lors de l’entreposage de celui-ci (conditions d’hygrométrie, instrument écrasé par d’autres objets, etc.). Quant aux douanes helvétiques, elles laissent généralement rentrer les musiciens avec leur instrument s’ils sont résidants suisses, à charge pour eux de fournir rapidement les justificatifs nécessaires.

www.cites.ch : informations et formulaire pour obtenir le passeport
checklist.cites.org : liste complète des espèces ou matériaux protégés

Aide-mémoire de l’USDAM

Laurent Mettraux, 03.07.2016