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Déclaration de la FIM sur la musique en ligne

Depuis les anne?es 2000, le de?veloppement des plateformes de te?le?chargement puis des services de streaming a a? la fois contracte? et e?tendu le marche? de la musique. Pourtant, malgre? une croissance qui s’est re?cemment acce?le?re?e, la valeur ainsi cre?e?e ne donne toujours pas lieu a? un partage e?quitable. En effet, a? quelques exceptions pre?s, les artistes interpre?tes qui sont a? l’origine de cette cre?ation de valeur ne perc?oivent que peu ou pas de revenus quand leurs enregistrements font l’objet d’utilisations en ligne.

La mise en œuvre des principes fondamentaux e?nonce?s ci-apre?s est indispensable, afin de garantir enfin aux musiciens le paiement d’une juste re?mune?ration pour la valeur ge?ne?re?e a? partir de leur travail. Cette mise en œuvre doit notamment s’appuyer sur les me?canismes e?prouve?s que sont la gestion collective ou la ne?gociation collective.

1. Droit a? une juste re?mune?ration

Tous les musiciens, principaux comme non-principaux, doivent recevoir une juste re?mune?ration pour chaque utilisation en ligne de leurs enregistrements, quelle que soit la technologie utilise?e pour l’acce?s a? cette musique ou pour sa distribution.

2. Champ d’application du droit de mise a? disposition a? la demande

Le droit de mise a? disposition a? la demande (article 10 du WPPT) donne aux artistes interpre?tes le « droit exclusif d’autoriser la mise a? la disposition du public, par fil ou sans fil, de leurs interpre?tations ou exe?cutions fixe?es sur phonogrammes, de manie?re que chacun puisse y avoir acce?s de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement ».

Ce droit a e?te? imagine? au moment du passage de la distribution physique a? la distribution nume?rique par te?le?chargement. L’e?volution technologique qui a permis le de?veloppement des offres de streaming a? partir de 2008 n’avait en aucune fac?on e?te? anticipe?e lors de l’adoption du WPPT en 1996. L’article 10 n’aurait jamais pu faire l’objet d’un consensus si la communaute? des artistes interpre?tes avait mesure? le risque d’une application errone?e a? toutes les utilisations propose?es par les plateformes de streaming.

Le droit de mise a? disposition a? la demande est conc?u pour les cas ou? l’utilisateur final choisit a? la fois la musique qu’il souhaite e?couter, le moment de l’e?coute et le lieu de l’e?coute. Ainsi, tout acte qui ne correspond pas aux conditions d’un te?le?chargement (choix de la piste + choix du moment + choix du lieu) ne devrait pas e?tre couvert par le droit de l’article 10.

Notamment, il ne devrait pas s’appliquer lorsqu’une se?lection de pistes re?alise?e par un tiers (personne ou algorithme) est offerte a? l’e?coute de l’utilisateur a? la suite d’une personnalisation base?e sur le choix d’un style, d’une atmosphe?re, d’un artiste ou de tout autre crite?re conduisant a? une offre limite?e et pre?e?tablie de type « playlist ».

3. Adaptation des mode?les de re?mune?ration

La pre?carite? e?conomique des artistes interpre?tes – mise tout particulie?rement en e?vidence pendant la pande?mie de covid-19 – de?montre que le droit exclusif de mise a? disposition a? la demande (art. 10 du WPPT), qui peut e?tre ce?de? individuellement sans ve?ritable contrepartie, est en soi inadapte? a? l’environnement technologique actuel. Le choix unilate?ral des plateformes et de l’industrie phonographique d’appliquer ce droit a? toutes les formes de streaming, quel que soit leur niveau d’interactivite? ou de personnalisation, sert e?videmment les inte?re?ts de ces industries.

Les artistes non-principaux ne rec?oivent ge?ne?ralement qu’un paiement forfaitaire unique, souvent purement symbolique, en contrepartie de la cession de ce droit exclusif au producteur. Cette pratique ine?quitable les prive d’une juste part des revenus et de la valeur ge?ne?re?s par leur contribution cre?ative. Les relations contractuelles structurellement de?se?quilibre?es qui en sont la cause peuvent e?tre corrige?es par le recours a? la ne?gociation collective.

Plus ge?ne?ralement, la ne?gociation collective constitue un moyen le?gitime et efficace d’ame?liorer les conditions de la cession des droits exclusifs de l’artiste interpre?te et leur re?mune?ration une fois ce?de?s au producteur.

Comme l’illustrent les mouvements de protestation des artistes interpre?tes, le statu quo est intenable. L’e?conomie du streaming doit changer de paradigme, de fac?on a? garantir une juste re?mune?ration a? tous les artistes interpre?tes pour tous les types d’utilisation en ligne. En ce qui concerne les usages non-interactifs ou partiellement interactifs (playlists), le droit a? re?mune?ration de l’article 15 du WPPT qui conduit a? un partage a? parts e?gales d’une re?mune?ration e?quitable perc?ue aupre?s des radiodiffuseurs et autres utilisateurs constitue un mode?le de re?fe?rence et un pre?ce?dent pertinents.

4. Transparence et acce?s a? l’information

Tout artiste interpre?te doit recevoir et pouvoir acce?der a? une information de?taille?e concernant l’utilisation de ses enregistrements et les paiements auxquels il a droit. Les sommes dues a? l’artiste doivent lui e?tre paye?es aux dates pre?vues, faire l’objet d’un contro?le de conformite? au niveau des plateformes par les artistes interpre?tes de fac?on a? garantir un paiement effectif, et comptabilise?es quel qu’en soit le montant, sans appliquer aucun seuil. Les lois nationales doivent inclure des dispositions approprie?es garantissant l’exercice de ces droits.

5. Valeur de la musique

La concurrence tarifaire entre plateformes et la priorite? qu’elles donnent a? leur capitalisation boursie?re (refle?te?e par le prix des actions) sur leurs autres revenus peuvent induire une de?valorisation de la musique, dans une course a? la baisse des royaute?s, concomitante a? une envole?e des actions. L’acce?s – via des licences couvrant automatiquement tous les contenus publie?s – a? un re?pertoire appele? a? croi?tre sans fin contre un abonnement forfaitaire maintenu au me?me niveau de prix depuis plus de dix ans ne semble pas en mesure d’offrir au secteur cre?atif une viabilite? a? long terme, compte tenu du mode?le dominant de paiement au prorata.

6. Mode?le centre?-utilisateur

Dans un grand nombre de cas, la distribution au prorata des revenus du streaming ne re?mune?re pas le droit de mise a? disposition de l’artiste principal, me?me quand le contrat pre?voit (apre?s la cession de ce droit) le versement de royaute?s a? ce titre. C’est en revanche un dispositif hyper-efficace pour re?partir ces revenus selon les parts de marche?. Cela n’est pas acceptable. Il n’est pas acceptable non plus que l’utilisateur paie pour de la musique qu’il n’e?coute pas, ni que celle qu’il e?coute ne ge?ne?re aucun revenu commensurable pour les artistes concerne?s. Cette absence de corre?lation directe entre e?coute et paiement constitue un proble?me de fond. Seule l’adoption universelle du mode?le de distribution dit « centre? utilisateur » peut corriger cette injustice qui touche a? la fois l’artiste interpre?te et ses fans. En permettant aux enregistrements, œuvres ou styles « de niche » de ge?ne?rer des re?mune?rations, il contribue e?galement a? soutenir la diversite? et les cultures locales. Il doit donc impe?rativement e?tre mis en œuvre et les mode?les e?conomiques adapte?s en conse?quence.

7. Dure?e de re?fe?rence pour le de?compte des e?coutes

La dure?e des pistes varie conside?rablement selon les styles de musique. Les dure?es peuvent aller de moins de deux minutes pour une piste de varie?te? a? plusieurs dizaines de minutes pour une piste de jazz ou de musique classique. Le de?compte des e?coutes ouvrant droit a? un paiement devrait tenir compte de ces diffe?rences en introduisant une dose de proportionnalite?. Une piste de longue dure?e devrait ainsi pouvoir de?clencher plusieurs paiements a? mesure que l’e?coute atteint certains seuils a? ne?gocier.

En limitant le rendement e?conomique des pistes de tre?s courtes dure?e, une telle adaptation permettrait d’e?viter une uniformisation de l’offre. Elle aurait e?galement un effet positif sur la diversite? en re?orientant en partie les paiements vers des genres musicaux moins populaires comme le jazz ou la musique classique. Plus ge?ne?ralement, la cre?ativite? artistique pourrait s’exprimer plus librement, a? l’abri de contraintes de dure?e motive?es par des objectifs de rentabilite?.

[adoptée le 21 mai 2021 par le 22e Congrès de la FIM]