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Procédure pénale rejetée – ScèneSuisse dans le droit

Une évaluation juridique pionnière sur la question de la légitimité, dans le cas d’employeurs pratiquant le dumping, de dénoncer leurs pratiques commerciales et d’insister avec force sur le respect des tarifs minimaux des associations professionnelles. Publié avec l’aimable autorisation de notre association partenaire SzeneSchweiz.

[Traduction: USDAM]

Au printemps 2021, une plainte pénale a été déposée contre la directrice de ScèneSuisse, Salva Leutenegger, pour contrainte et infraction à la loi fédérale contre la concurrence déloyale. Les plaignants étaient une casteuse de renom et son entreprise de casting, constituée en société de capitaux.

Comme toute plainte pénale, la plainte a entraîné l’ouverture d’une procédure pénale, et le parquet de Zurich-Sihl a ouvert une enquête. La plainte a été motivée par deux faits : Premièrement, Salva Leutenegger aurait demandé à plusieurs reprises à la casteuse de se conformer aux directives de la branche concernant les salaires et les buy-outs et de passer à une pratique commerciale équitable, faute de quoi elle se verrait contrainte de mettre en garde les membres de SzeneSchweiz, la branche et le public contre la pratique commerciale de la société de casting. Deuxièmement, elle aurait envoyé un e-mail à diverses écoles de théâtre, dans lequel elle qualifiait le travail de la casteuse de peu sérieux.

Procédure classée

Cet automne, le parquet a classé la procédure pénale. La procureure compétente a rejeté en termes très clairs tous les arguments de la plaignante (appelée « partie civile » dans les citations ci-dessous). Ainsi, concernant l’accusation de contrainte, elle a notamment déclaré :

« Dans la présente lettre électronique […], l’accusée attire l’attention sur les directives en matière de salaires et exige le respect des salaires minimaux et des buyouts. Ce faisant, l’association professionnelle évolue dans le cadre de ses tâches statutaires et défend les intérêts professionnels et économiques de ses membres […]. Il ne peut pas non plus être interdit en soi, en tant qu’association professionnelle, de rendre public, pour la défense des intérêts, le fait que la partie plaignante sous-estime les salaires minimaux prévus dans les directives de l’SBKV [aujourd’hui : ScèneSuisse] […]. La protection pénale ne va pas si loin que personne ne pourrait opposer à la partie plaignante sa pratique commerciale, et la critique objective en public est en principe autorisée ».

Il poursuit :

« Le but de ces courriers électroniques est donc principalement d’obtenir une prise de position de la partie civile sur les points mentionnés et d’entrer en contact avec elle. Le motif semble être des réclamations de plusieurs membres de l’association, sachant qu’il est tout à fait du devoir d’une association professionnelle d’enquêter sur de telles indications et d’en informer les milieux concernés ».

En ce qui concerne l’accusation de dénigrement en vertu du droit de la concurrence, la procureure a constaté que le message adressé aux écoles de théâtre, dans lequel celles-ci sont invitées à ne travailler qu’avec des fournisseurs sérieux*, n’est ni totalement étranger à la situation ni non objectif. Par conséquent, cette infraction n’est pas non plus constituée.

La décision de classement est entrée en vigueur. Les dénonciateurs n’ont pas fait appel de cette décision.

Appréciation du point de vue de ScèneSuisse et d’autres associations professionnelles

La tentative de la casteuse concernée de briser la résistance par le biais d’une association professionnelle engagée par ses membres, en déposant une plainte pénale contre la gérante, est problématique à plusieurs égards.

  • Premièrement, une plainte pénale a toujours un effet inhibiteur et restrictif à court terme pour l’association concernée et encore plus pour la personne concernée. Celui qui reçoit une convocation du parquet ou de la police en tant que personne mise en cause est tout d’abord déstabilisé. Tant que la procédure pénale est en cours, la personne concernée réfléchit à deux fois avant d’intervenir comme d’habitude auprès de l’agence fautive.
  • Deuxièmement, avec une plainte pénale, on joue toujours sur la femme ou la personne. Le droit pénal s’adresse toujours en premier lieu à la personne physique exécutante. Une association ou la personne morale n’est poursuivie, à quelques exceptions près, que si l’infraction reprochée ne peut être imputée à aucune personne physique. Si la personne dénoncée ne fait que son travail, comme dans le cas présent, elle est tout de même touchée par la loi pénale en tant que personne privée. C’est sa réputation qui est en jeu, elle est interrogée personnellement en tant que prévenue, elle risque une peine en cas de condamnation.
  • Troisièmement, les dénonciateurs ne courent aucun risque. Les frais de la procédure pénale – aussi désespérée soit-elle – sont à la charge de l’État. Seule la procédure de recours, concrètement le recours contre l’ordonnance de classement, comporte un risque de frais pour la partie plaignante.
    Le résultat clair de la procédure pénale et les déclarations sans équivoque de la procureure confirment que la direction de ScèneSuisse a agi de manière courageuse et correcte. Néanmoins, ces points laissent un arrière-goût amer.

Il semble d’autant plus important de maintenir l’objectif de l’association professionnelle, de s’engager en faveur de ses membres, et en particulier d’exercer une influence sur les employeurs et les agences Castig fautifs : de manière objective, déterminée, avec des mots clairs. Car la procédure pénale décrite ici a au moins montré cela : Chacun doit se voir opposer sa pratique commerciale.

Dans ce sens, nous restons à votre écoute !