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« Cela dépend de nous tous »

L’Assemblée ordinaire des délégués de cette année s’est déroulée le 19 juin dans la capitale fédérale. Il s’agissait d’aborder bien davantage que les habituelles affaires statutaires.

Chaque année, l’ordre du jour de l’Assemblée des délégués de l’Union Suisse des Artistes Musiciens s’ouvre par des exposés d’orateurs invités, se concentrant sur des sujets brûlants. Habituellement, un représentant de l’Union Syndicale Suisse (USS) prend également la parole. Rappelons que l’USS représente la plus grande organisation suisse de travailleurs, à laquelle appartiennent 16 syndicats des branches les plus diverses, parmi lesquels l’USDAM. Particulièrement remarquable était le fait que cette année, c’était le président de l’USS lui-même qui s’est déplacé pour s’adresser à l’assemblée. Paul Rechsteiner a souligné l’importance que revêtent des syndicats relativement petits quant au nombre de membres, comme l’USDAM, dans le combat commun en faveur de meilleures conditions de travail. Qui lutte seul n’arrive guère à se faire entendre, dit-il avant de passer aussitôt à la prochaine votation populaire consacrée à la loi fédérale sur la réforme de la prévoyance vieillesse 2020. Pour la première fois depuis environ 20 ans, un projet soumis à votation proposera à nouveau une amélioration des rentes, après qu’on ait dû pendant des années lutter vainement contre la régression sociale. Le président de l’USS ne passa pas sous silence le fait que l’augmentation d’une année de l’âge de la retraite des femmes représente un point négatif. Il souligne par contre que cela n’a pas empêché l’Alliance de sociétés féminines suisses (ASF) – connu actuellement sous le nom d’alliance F – de s’exprimer clairement pour le projet en votation. (En effet, l’alliance F s’engage activement pour cette réforme qui, comme mentionné dans leur argumentaire, apporte des « avantages manifestes pour les femmes ».) Avec la nouvelle proposition de loi du 17 mars 2017, un certain niveau de retraite est garanti pour toutes et pour tous dès 45 ans. Il s’agit, selon Paul Rechsteiner, d’une « avancée à prix modique ». Il existe un espoir que le projet soit accepté en votation, et cela malgré les puissants opposants qui tous soutiennent le démantèlement social plutôt que de l’empêcher : Economiesuisse, Union suisse des arts et métiers, PLR et UDC. « Nous allons être recouverts par de la propagande du style fake news, que Trump lui-même apprécierait », suppose le président de l’USS. « Cette votation dépend de nous tous », tel fut son appel à toutes les personnes présentes.

Le second orateur invité n’était pas moins célèbre : Mario Venzago s’adressa directement aux musiciennes et aux musiciens : « Le chef est l’ennemi naturel du musicien d’orchestre : cet adage n’existe heureusement plus. Vous êtes une Union, vous n’êtes plus un syndicat qu’on associe à des grèves combattives. Nous nous trouvons en effet tous dans le même bateau. » Venzago déclara que de manière générale, on vit aujourd’hui dans une extraordinaire opulence. Il est d’autant plus incompréhensible qu’on menace encore et encore de réduire les effectifs des orchestres. Il évoqua entre autres le cas du Musikkollegium Winterthur, qui, il y a quatre ans, aurait dû être atrophié jusqu’au statut d’orchestre à temps partiel. « Il pourrait peut-être encore y avoir l’une ou l’autre stupide fusion qui pourrait menacer dans notre pays. Cependant, je vous mets en garde, un et un donne d’abord zéro ! Je trouve préoccupant de devoir sans arrêt se trouver dans la crainte et l’inquiétude. » Venzago rappella qu’après la dernière guerre mondiale, lorsque les villes voulaient réduire leurs orchestres pour des raisons financières, Konrad Adenauer avait introduit une convention collective pour les musiciens des orchestres classiques. « Un fait historique en des temps difficiles », selon le chef de l’Orchestre Symphonique de Berne. « Chez nous, en Suisse, cette protection n’existe toujours pas », souleva-t-il. Il fit encore part de quelques autres considérations au sujet des tarifs d’enregistrement, des conditions de travail plus flexibles, des tournées, du sponsoring, et signala qu’il n’existe en règle générale dans les orchestres aucune instance de surveillance éthique comparable aux départements de corporate governance au sein des grandes entreprises. « Dans une époque de mutations, beaucoup de vieux schémas sont révolus. Il existe en revanche de nombreux nouveaux défis », conclut Mario Venzago.

Un Tessinois au comité

La partie statutaire de l’Assemblée des délégués commença par l’adoption, toujours unanime, des rapports d’activités de toutes les sections ainsi que du rapport d’activités du Comité central et du secrétariat central, suivie de l’adoption, également à l’unanimité, des comptes annuels (caisse centrale, fonds de solidarité, caisse de décès) et du rapport de la commission de gestion. La décharge a ensuite été accordée au Comité central et à la secrétaire centrale. Une requête pour quatre modifications des statuts, faites par le Comité central, a fait l’objet d’une discussion approfondie. La procédure d’admission des nouveaux membres a été modifiée, dans le sens que la publication de leur nom dans la RMS n’est plus nécessaire. Un passage traduit de manière inexacte a en outre été rectifié dans la version française. La troisième modification se référait à l’article 24 (devoirs des sections). Selon la demande d’amendement d’un délégué, l’alinéa concernant les bureaux a été révisé de la manière suivante : « Les sections gèrent leurs bureaux. Le Comité central statue sur les exceptions. » La quatrième modification demandée par le Comité central s’appliquait à la composition du comité. A la place de quatre à six membres, celui-ci comprendra dorénavant cinq à sept membres. Les raisons de cet ajustement se trouvent dans les nouvelles conditions d’encouragement de l’Office fédéral de la Culture concernant une représentation à l’échelle nationale. Plus tard dans le déroulement de l’AD, le percussionniste Luca Borioli, né en 1980 à Bellinzona, a été élu au comité. Professeur de percussion au Conservatoire de Zurich, il joue en tant que musicien supplémentaire dans divers orchestres professionnels de Suisse. En outre, il a terminé ses études en science politique et en géographie à l’Université de Zurich.

Bonne gouvernance

Pour revenir à la suite de l’ordre du jour, on trouvait deux requêtes de la section vaudoise ainsi que trois requêtes de la section de Zurich. La première section a proposé de réduire le préavis de démission de l’USDAM à un mois. Sa seconde requête devait rendre possible la démission à la fin de chaque mois. Alors que cette seconde requête a été acceptée, la première a été refusée par les délégués à une courte majorité, sur recommandation du Comité central, dont la motivation était le risque menaçant d’une moindre sécurité dans la planification. A l’avenir, la démission sera donc possible pour la fin de chaque mois, en tenant compte d’un délai de résiliation de trois mois. La première requête de la section de Zurich semble inspirée d’une suggestion de Mario Venzago, bien que la concordance thématique soit le fruit du hasard. L’objet de la demande était la création d’un comité qui élaborerait les principes d’une bonne gouvernance (good governance) de l’USDAM. Celles-ci devraient « dorénavant véhiculer les valeurs organisationnelles et culturelles sur lesquelles les comités décisionnels et les dirigeants peuvent et doivent régulièrement se réorienter », selon une déclaration de la section. La requête a trouvé un soutien unanime des délégués et a été acceptée sans opposition ni abstention. La seconde requête de la section de Zurich exigeait un élargissement du secrétariat central. En raison des pourparlers en cours en vue d’une fusion avec les autres associations de musiciens professionnels (ASM, SMS et MSS), cette requête a été retirée lors de l’AD par la section, afin d’être au besoin à nouveau présentée ultérieurement. Finalement, la section de Zurich propose de nommer Heinz Marti comme membre d’honneur de l’Union, pour ses nombreuses années de remarquable activité en tant que président de la section de Zurich et de président central de l’USDAM. Longue est la liste de ses mérites. Cette requête a également été acceptée à l’unanimité.

Comme chaque année, le compte-rendu de la Conférence des présidents, qui se tenait le matin avant l’AD, se trouvait à l’ordre du jour. Le président central a brièvement donné des informations sur l’état actuel des pourparlers avec les associations de musiciens professionnels en vue d’une fusion, et a mentionné la discussion à ce sujet, tenue par les présidentes et présidents des sections de l’USDAM. En toile de fond se trouvent les nouvelles conditions d’encouragement de l’OFC et les bouleversements qui en résultent dans les associations. Si un regroupement devait se profiler, une nouvelle demande de soutien serait envoyée à l’OFC d’ici à mars 2018. Dans le cas contraire, la convention de prestations conclue au printemps 2017 entre l’USDAM et l’OFC resterait en vigueur.

Chaque voix compte !

Comme dernier point de l’ordre du jour, on trouvait un court exposé sur la prévoyance vieillesse 2020. L’adjointe du premier secrétaire de l’USS, Doris Bianchi, présenta les avantages de la révision de la loi : elle prévoit un financement supplémentaire de l’AVS qui est nécessaire puisque les personnes nées lors des années de fortes natalités (« Babyboom ») arrivent maintenant à l’âge de la retraite. Cela mène à des dépenses croissantes pour l’AVS, qui ne peut tenir le rythme au niveau des recettes. De nouvelles recettes pour l’AVS seraient générées par la TVA, ce que les consommateurs ne ressentiraient cependant pas puisque le taux de la TVA resterait pour le moment le même. (Les ressources qui vont actuellement à la caisse de l’AI seraient affectées à l’AVS.) Ce n’est qu’en 2021 que le taux de TVA serait relevé de 0.3 pourcent. L’augmentation de l’âge de la retraite est moins réjouissante. Cette mesure partielle contestée serait cependant compensée par le renforcement de l’AVS (70 francs de plus par mois pour tous les futurs rentiers et rentières.) Sans cesse est asséné l’argument contradictoire suivant lequel les retraités actuels ne profiteraient pas de l’augmentation de l’AVS. On peut y rétorquer que l’initiative AVSplus, co-initiée par l’USS, a été malheureusement rejetée en septembre 2016 par 59.4 pourcent des votants. En outre, les retraitées et retraités actuels ne seraient pas plus touchés par l’augmentation de l’âge de la retraite que par la détérioration des prestations des caisses de pension. Le projet soumis à votation prévoit que l’employeur payerait plus à la caisse de pension et que le taux de conversion minimal soit baissé de 6.8 pourcent à 6 pourcent. (Ce pourcentage indique ce qu’on reçoit comme rente depuis l’argent déposé dans la caisse de pension.) La protection sociale pour les personnes qui perdent leur emploi quelques années avant leur retraite serait accrue, puisque le droit à une future rente de la caisse de pension ne prendrait plus fin en cas de chômage. La perspective d’un passage progressif à la retraite est intéressante pour les artistes. Dans la branche de la culture, nombre de travailleurs préféreraient une combinaison entre travail et retraite plutôt que de devoir arrêter du jour au lendemain de travailler. Cela deviendrait possible si la réforme est acceptée, puisqu’on pourrait partir plus tôt à la retraite et que la réduction des rentes serait moins importante que jusqu’à présent.

Etant donné ces avantages, parmi de nombreux autres que nous ne pouvons nommer ici faute de place (pour approfondir le sujet, vous pouvez vous reporter également à l’article consacré à la prévoyance vieillesse dans notre numéro de juillet), la question se pose de savoir ce que veulent réellement les adversaires. Ils visent entre autres à ce que la population active s’appuie plus sur le troisième pilier et que les caisses de l’AVS soient vides afin d’instaurer ensuite l’âge de la retraite à 67 ans. Bianchi rappelle qu’à la fin des années 90, les caisses de l’assurance invalidité étaient vides. A ce moment-là, les rentes en cours avaient baissé et même été supprimées. Afin d’exclure un tel scénario d’horreur, tous ceux à qui la protection sociale tient à cœur sont priés à soutenir cette réforme de la prévoyance vieillesse en allant voter.

Le procès-verbal détaillé de l’Assemblée des délégués est disponible pour téléchargement ici : Protokoll_DV2017_fr