Actualité

Da la vraie durabilité

La mesure très contestée de transformer l’Orchestre symphonique Bienne Soleure en un orchestre de projets a été retirée. Bien qu’elle ait été pensée par le Conseil municipal comme partie d’une stratégie globale en vue d’un assainissement « durable » des finances, un « oui » du législatif à cette mesure aurait eu de graves conséquences.

L’OSBS jouant le 23 avril dernier à la Place du Rosius, dans la vieille ville de Bienne. Quelques heures plus tard, la mesure qui mettait l’orchestre en danger était retirée.

L’OSBS jouant le 23 avril dernier à la Place du Rosius, dans la vieille ville de Bienne. Quelques heures plus tard, la mesure qui mettait l’orchestre en danger était retirée.

Bien comprendre une langue signifie interroger la signification exacte des mots, en particulier ceux qu’on utilise chaque jour et qu’il nous semble bien connaître. Faisons cet exercice pour le concept de « développement durable ». Aussi loin que puissent remonter nos connaissances historiques, cette durabilité est mentionnée en 1346 déjà, lorsque le roi de France Philippe VI demanda que l’administration des forêts ne coupe pas plus d’arbres qu’il n’en repousse.

Le « développement durable » a pris racine depuis longtemps dans le vocabulaire des départements de communication des entreprises. En une période où de nombreux produits possèdent une durée de vie toujours plus courte et où les coûts de réparation sont en général plus élevés que le prix du produit lui-même, le glissement sémantique semble plutôt conséquent. La maxime environnementale du développement durable devient ainsi un mythe néolibéral, dont l’efficacité se calcule en pourcentages de groupes cibles touchés par des campagnes publicitaires vantant le développement durable de tel ou tel produit.

Ce terme est aussi utilisé quotidiennement par le monde politique. Le Conseil municipal biennois a présenté au Conseil de ville un rapport « pour l’assainissement durable des finances communales », qui a été débattu le mois passé au sein du législatif de la ville. On trouve plus de 30 fois le terme « durable » dans ce rapport de 85 pages. On peut se demander si une politique d’austérité qui s’accompagne de propositions de coupes massives dans la culture peut sérieusement être définie comme durable. Autrement dit : quel est le rapport entre culture et durabilité ? Est-ce que le « développement durable » n’est pas devenu un mot à la mode dont l’emploi est toujours plus galvaudé ?

Alors qu’il n’a concerné durant des siècles que l’exploitation forestière, ce mot s’est de plus en plus appliqué dès les années 90 aux domaines de l’économie, du social et de la culture. Dans cette perspective, il a été souligné à quel point économie, environnement, culture et social ne devaient pas être dressés les uns contre les autres. Même si les significations du terme de développement durable sont multiples, il perdure cependant toujours un dénominateur commun, à savoir la préservation des standards écologiques, sociaux et culturels pour le bien des générations futures, dépendant de plusieurs facteurs, en particulier économiques.

A Bienne, certains standards pour lesquels la population s’était battue avec passion durant des décennies risquaient d’être sacrifiés à une conception à courte vue de la durabilité. Parmi les institutions sur lesquelles des économies devaient être faites se trouvait l’Orchestre symphonique. Créé en 1969, l’orchestre a survécu avec succès à plusieurs crises, grâce au soutien de la population. Déjà au milieu des années 70, il a fallu se battre pour le maintien de l’orchestre. Le Conseil municipal avait fait alors appel à de nombreuses communes de la région. La fois suivante, ce fut lorsqu’au début des années 90, les finances biennoises durent être assainies. Enfin, il y a trois ans, l’orchestre dut fusionner avec les théâtres des villes de Bienne et de Soleure. Le processus de restructuration en une nouvelle entité, le Théâtre Orchestre Bienne Soleure, a été financé en 2012 à hauteur de 1,7 millions de francs par les instances subventionnaires (villes de Bienne et de Soleure, canton de Berne et Conférence culture régionale de Bienne-Trois-Lacs).

La proposition, tout sauf durable, du Conseil municipal biennois, de transformer l’orchestre en un « orchestre de projets » et de soi-disant épargner ainsi la somme de 360’000 francs par année, est heureusement écartée. Le conseiller municipal Némitz, directeur du Département de la culture, des loisirs et des sports, a retiré « sa » proposition d’économies durant la séance décisive du Conseil de ville. Ce revirement est dû en particulier aux protestations de la population biennoise et de la scène musicale internationale. Très engagée, la présidente de l’Association des Amis de l’Orchestre Symphonique Bienne Soleure, Teres Liechti Gertsch, a pu compter environ 14’000 signatures pour la pétition en faveur du maintien de l’orchestre, sans compter des plaidoyers virulents en faveur de cet ensemble et des témoignages de sympathies. De nombreux articles ont paru un peu partout dans la presse. Si on fait le compte entre ceux qui étaient favorables et ceux qui étaient opposés à la « mesure 4–2 », ce sont les opposants qui formaient une forte majorité. Nous pouvons donc avoir confiance dans le fait que la population biennoise soutiendra à nouveau ses grandes institutions culturelles, lorsque les nouveaux contrats de prestation passeront en votation.

Johannes Knapp

(trad. resumé: Laurent Mettraux)