Selon les termes d’une lettre de la direction générale de la SSR adressée à la Fondation de l’Orchestra della Svizzera Italiana (OSI), la SSR dénonce sa convention de coopération avec l’OSI pour fin 2017 et a l’intention de discuter avec le Conseil de fondation de l’orchestre d’un nouveau modèle de financement, sous le prétexte de parvenir à un meilleur rapport entre coûts et bénéfices pour le subventionnaire. Une nouvelle clé de répartition entre l’antenne tessinoise de la SSR et des subventions publiques et privées est mentionnée comme critère de négociation. Ni les économies planifiées par la SSR, ni les motifs ne figurent dans cette lettre datée du 12 novembre 2015.
Il est à craindre que l’OSI soit la victime de la rigueur budgétaire de la SSR. La formulation de cette lettre pose beaucoup de questions : par exemple, quelles répercussions la volonté générale d’économies de la SSR aura-t-elle pour l’avenir du dernier orchestre symphonique de radio de la Suisse ? Dans quelle mesure de l’argent public et privé pourrait-il être encore déniché au vu de l’état de l’économie tessinoise ou du renforcement du parti de la droite populiste, la Lega dei Ticinesi ?
Que la SSR abandonne bientôt l’orchestre, qu’elle soutient de toute manière déjà avec tiédeur, à une complète incertitude, serait certainement le pire des cas possible. Les décideurs de la SSR à Berne n’ont cependant pas craint de jouer exactement avec cela pour faire pression : si vous ne retirez pas une clause spécifique du contrat, alors on ne collaborera plus du tout avec vous ! La clause en question règle les droits des enregistrements d’archive joués par l’OSI. Elle prévoit que la SSR perdrait l’intégralité de ses droits sur les enregistrements d’archive de l’OSI si elle devait un jour arrêter de soutenir substantiellement l’orchestre.
On ne se laissera certainement pas faire du côté de Lugano, cette clause constituant finalement l’assurance-vie de l’orchestre ! Il faut espérer que le conflit puisse être résolu sans qu’il ne soit fait usage en dernier recours d’une rupture de la collaboration. Ce serait assurément pour la SSR, respectivement pour la RSI, une perte de ne plus pouvoir utiliser le précieux fonds constitué par les archives, pour lequel un investissement a été fait durant des décennies. D’autre part, par le biais de leur réutilisation par la radio, l’orchestre génère certains revenus qui seraient perdus avec l’entrée en vigueur de cette clause. Il reste donc à espérer que les responsables de la SSR et les représentants de l’orchestre pourront prochainement négocier ensemble de manière constructive. (Au moment de clôturer la rédaction de ce numéro, aucune discussion n’a encore eu lieu.)
Que cette lettre parvienne deux mois après le concert d’inauguration de la nouvelle salle LAC, ce qui semble particulièrement déplacé eu égard à ce renouveau artistique de l’OSI et à son nouveau lieu de concert, cela est dû tout simplement au délai de résiliation de deux ans. De toute façon, la SSR ferait bien d’éviter ce genre de publicité négative afin d’écarter le risque de rebuter la population tessinoise intéressée à la culture et que le soutien social à la SSR ne continue encore de baisser. Cela pourrait sans quoi lui coûter cher lors des prochaines votations concernant la radiodiffusion de droit public et Billag.
Il y a quelques années, la SSR avait déjà réduit presque de moitié ses subventions à l’OSI. Depuis, le canton du Tessin est devenu de loin le plus grand subventionnaire, avec 4 millions de francs, suivi par la SSR/RSI (2 millions de francs en sus des coûts de production internes), la ville de Lugano (un demi-million de francs) et l’Association des amis de l’orchestre. De plus petites sommes sont octroyées par le canton des Grisons, une entreprise pharmaceutique, 13 communes tessinoises, la banque BSI et un hôtel de luxe de Lugano.
En supposant que la SSR supprime entièrement ces 2 millions annuels, le statut d’orchestre à plein temps de l’OSI serait mis en danger. Mais il est trop tôt pour faire ce genre de spéculation. Dans un premier temps, il faudra miser sur le dialogue et, qui sait, peut-être que la SSR se prendra au mot et suivra le but formulé dans sa stratégie d’entreprise, à savoir de miser sur ses propres productions, également dans le domaine musical – au moins à Lugano. Sur le plan artistique, les conditions sont réunies.
Johannes Knapp, traduction: Laurent Mettraux