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Conséquences néfastes aussi pour les musiciens

Pourquoi il est important de voter non à l’initiative isolationniste le 25 novembre prochain.

Laurent Mettraux – Pour certains milieux politiques, les initiatives sont devenues un moyen de propagande, dont les conséquences liées à une éventuelle acceptation ne semblent ni évaluées, ni prises en compte. Ainsi de l’initiative populaire fédérale « pour l’autodétermination », aussi connue sous le titre fallacieux de « Le droit suisse au lieu de juges étrangers » (hormis la cour européenne des droits de l’homme, l’application des plus de 4000 traités ratifiés par la Suisse sont, dans les faits, du ressort des institutions judiciaires nationales), lancée quelques mois avant les élections nationales de 2015. Elle exige entre autres d’adapter les obligations de droit international aux dispositions constitutionnelles, « au besoin en dénonçant les traités internationaux concernés ». Par ailleurs, seuls les accords internationaux acceptés par le peuple seraient considérés comme déterminants pour le Tribunal fédéral (et en conséquence pour les autres instances judiciaires suisses ainsi que pour les autorités chargées de l’application des lois). En quoi la grave instabilité juridique qui en résulterait, faisant de la Suisse un pays non fiable, concernerait-elle spécialement les musiciens, en plus des préjudices qu’ils auraient à subir en tant qu’habitants du pays ? Un simple exemple : une entreprise décide de mener un combat juridique pour pouvoir commercialiser une des plus de 34’000 espèces animales ou végétales protégées par la convention CITES. Jusqu’au Tribunal fédéral, il sera constaté que la convention CITES n’a pas été adoptée par le peuple, que la Constitution n’interdit pas la libre vente et l’importation de l’espèce en question. Dès lors, la seule solution, obligatoire si cette initiative était adoptée en votation, serait de dénoncer CITES (puisque les 182 autres pays signataires ne renégocieraient sûrement pas juste pour satisfaire les caprices d’un seul pays). Peut-on s’imaginer les difficultés que cela représenterait pour les musiciens et orchestres suisses désirant organiser des tournées à l’étranger ? Autre exemple, la convention et les 60 accords de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui garantissent une protection aux travailleurs (y-compris bien entendu les musiciens, qu’ils soient employés ou indépendants), mais aussi les droits des syndicats comme l’USDAM ou sa faitière l’USS. Cible favorite de l’UDC, la Convention européenne des droits de l’homme, élaborée au sein du Conseil de l’Europe suite aux atrocités de la Seconde guerre mondiale, protège également les libertés syndicales, entre autres droits fondamentaux. En cas d’approbation de l’initiative, ce traité cesserait rapidement d’être applicable en Suisse, triste « privilège » qui serait partagé avec le régime dictatorial de la Biélorussie. Pour en revenir au domaine strictement culturel, les habitants de l’Helvétie risqueraient également de ne plus pouvoir profiter d’outils du droit international aussi importants que les conventions de l’UNESCO, par exemple celle sur la diversité culturelle, ou encore ceux régissant le droit d’auteur et les droits voisins. Que feraient les interprètes établis en Suisse si les conventions de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (convention de Rome, traités WPPT et de Pékin – voire même la convention de Berne) étaient dénoncées ? Même la collaboration avec la FIM serait gravement compromise. Enfin, l’insécurité juridique pouvant faire fuir d’importantes entreprises et sociétés, les artistes d’Helvétie perdraient des sponsors potentiels. Une fois de plus, la culture serait gravement touchée, victime collatérale d’apprentis sorciers.

Liens intéressants :

Texte de l’initiative

Analyse de l’USS : attaque des droits syndicaux, des droits fondamentaux, des droits de l’homme

Article de l’USS : Une initiative contre les droits humains qui attaque directe contre les travailleurs et travailleuses

Site internet du comité contre l’initiative

Ce qu’est la Convention européenne des droits de l’homme, remise en cause par l’initiative

Site de l’Organisation internationale du travail

Analyse du Conseiller national Roger Nordmann

Communiqué interpartis PLR, PS, PDC, Verts, PVL, PBD et PEV

Prises de position du PDC

Prises de position du PS

Prises de position du PLR

Avis de droit commandé par economiesuisse

Réponse d’economiesuisse aux arguments des partisans de l’initiative

Prise de position publiée par des professeurs de droit zurichois (en allemand)