– 28 avril 2024 (Revue Musicale Suisse)
L’USS et les syndicats culturels veulent remédier à la précarité des acteurs culturels et aux lacunes de leur protection sociale.
Dans son communiqué de presse du 1er mars dernier, l’Union syndicale suisse (USS), à laquelle l’USDAM est affiliée, a fait part de son engagement, en collaboration avec les fédérations culturelles, en faveur de rémunérations équitables et d’une protection sociale accrue (notamment pour ce qui est de l’AVS et de l’assurance-chômage) pour les acteurs culturels. Ces mesures doivent faire partie de la politique culturelle nationale, et l’USS approuve la décision du Conseil fédéral d’établir l’environnement professionnel comme champ d’action prioritaire pour les quatre années à venir, selon le projet de message culture 2025-2028 adopté par le CF lors de sa séance du 1er mars 2024 puis transmis au Parlement.
Selon les calculs de l’Office fédéral de la statistique pour 2022, il y aurait environ 259’000 personnes actives en tant que travailleurs culturels comme profession principale et 22’700 autres qui occupent un deuxième emploi touchant à la culture. En tout, cela correspond à 6% des personnes actives en Suisse. Il s’agit donc d’un secteur très important, qui emploie plus de salariés que le secteur financier par exemple (218’000 employés en 2022). L’USS signale que les emplois atypiques se sont multipliés dans le monde de la culture : « Les contrats de projet à durée déterminée, les emplois à temps partiel et les occupations multiples sont le pain quotidien des acteurs culturels. Ces personnes ont fréquemment des revenus très bas et une protection sociale réduite. » Sur mandat de Suisseculture Sociale et de Pro Helvetia, le bureau Ecoplan a réalisé en 2021 une vaste étude sur la protection sociale des acteurs culturels en Suisse, qui a mis en évidence le fait que 59% d’entre eux ont réalisé, durant les trois ans qui ont précédé la pandémie de Covid-19, un revenu annuel inférieur à CHF 40’000.–, donc moins de CHF 3’075.– par mois (en comptant un 13e salaire). L’étude a révélé une prévoyance professionnelle lacunaire : pour 32% des salariés et 66% des indépendants, les revenus provenant de leur activité culturelle ne sont pas couverts par le deuxième pilier, et respectivement 3% et 16% ne cotisent même pas à l’AVS/AI/APG. Par ailleurs, 5% des salariés et 10% des indépendants ne disposent pas d’assurance-accidents, tandis que 31% des premiers et 50% des seconds ont déclaré ne pas avoir d’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie (bien que pour les salariés, il est possible que tous ne soient pas informés par leur employeur du fait que celui-ci les aurait convenablement assurés).
L’USS souligne à quel point les associations d’artistes, dont l’USDAM, s’avèrent essentielles pour garantir à leurs membres de bonnes conditions de travail, des revenus décents ainsi que l’accès à la sécurité sociale. Pour cela, il faut impérativement que soient dûment respectés les salaires minimum garantis par les conventions collectives d’une part, et les recommandations tarifaires d’autre part. Des garanties nécessaires en ce sens devraient être prévues par la promotion culturelle nationale ; ainsi, la volonté de la Confédération de s’assurer, lors de l’évaluation des demandes de soutien, de l’engagement des requérants à rémunérer équitablement les artistes professionnels, s’avère de bonne augure. Le message culture propose entre autres d’étendre les dispositions applicables aux acteurs culturels dans l’AVS, de mieux faire connaître la procédure de décompte simplifiée, d’examiner la possibilité de créer une institution collective de prévoyance pour tous les acteurs culturels et de renforcer le conseil et le soutien aux artistes professionnels. Concernant ce dernier point, il est absolument nécessaire, si on veut atteindre les objectifs visés, que ces services se basent sur les offres déjà existantes, en collaborant avec les associations professionnelles qui possèdent déjà toute la compétence nécessaire, une expérience irremplaçable ainsi que les connaissances approfondies liées au secteur.
Si le programme de la Confédération est ambitieux, la dotation financière (croissance nominale moyenne de 1,2 % et réelle de 0,2 % par an) est pour le moins déséquilibrée ; une augmentation significative des ressources financières s’avère donc indispensable, d’autant que ces dernières sont court-circuitées par d’autres décisions prises au nom du plafonnement des dépenses, comme la coupe linéaire de 2 % du budget 2024, la réduction du rythme de croissance des dépenses culturelles et une nouvelle coupe de 1,4% qui pointe le nez. Les syndicats appellent à renoncer à ces coupes qui rendent impossibles la réalisation d’une partie des nombreux objectifs de la politique culturelle.