La signature officielle s’est faite le 24 juin 2015 : Dario Zanni (trésorier de la Fondation de L’OCG), Marc Liardon (président de la sous-section USDAM de L’OCG), Delphine Gosseries (représentante des musiciens), Andrew J. Ferguson (secrétaire général de L’OCG), Alain Petitpierre (président de la Fondation de L’OCG), Robin Lemmel (représentant des musiciens), Beat Santschi (président central de l’USDAM) et Barbara Aeschbacher (secrétaire centrale de l’USDAM).
Le 24 juin dernier a été signée la Convention collective de travail de L’Orchestre de Chambre de Genève. Portrait de cet ensemble et interview du président de la sous-section USDAM.
Laurent Mettraux
Si l’Orchestre de Chambre de Genève a été fondé en 1992, son origine remonte à 1958, lorsque Robert Dunand a formé un ensemble sous le nom de Collegium Academicum. Sous les chefs successifs Thierry Fischer, Lev Markiz et Michael Hofstetter, et grâce à l’engagement de sa quarantaine de musiciens permanents, L’OCG a progressivement acquis une reconnaissance qui a dépassé la région genevoise et la Suisse romande. Après David Greilsammer, qui a développé le rayonnement international de l’ensemble (dont une résidence à la Gaîté lyrique à Paris), c’est maintenant depuis deux ans Arie van Beek qui en est le directeur musical et artistique. La phalange collabore régulièrement avec le Grand Théâtre et l’Opéra de Lausanne, avec des chœurs locaux, avec le Concours de Genève ainsi qu’avec de nombreux festivals de la région lémanique. Outre une saison de concerts, principalement au Bâtiment des forces motrices, des heures musicales, des concerts d’été et de Noël, de nombreux programmes sont également présentés dans un cadre pédagogique. Le répertoire privilégie la période qui va du classique au début du romantisme, avec des incursions vers le baroque ou la musique de la fin du 19e siècle, mais aussi vers la musique contemporaine.
Créé sous forme de structure associative lors de sa fondation, L’OCG est devenue fondation de droit privé en 2008. Dès l’année suivante, le délégué des musiciens Marc Liardon a fait part à la fondation, au nom des musiciens, d’une revendication salariale calquée sur la grille salariale de l’OSR. A ce moment naît l’idée d’une CCT ; il a fallu environ cinq années pour son élaboration et sa signature. Les négociations se sont déroulées durant l’été 2013, au sein d’une commission paritaire composée du secrétaire général de l’orchestre (administrateur) et du trésorier de la fondation pour représenter l’employeur, du président de la sous-section OCG et du délégué des musiciens pour les salariés. Le texte a été rédigé et négocié, soumis aux musiciens puis au comité central de l’USDAM. Des corrections ont alors été proposées et renégociées, avant que le texte soit envoyé pour dernière relecture à l’USDAM.
L’entrée en vigueur de cette convention collective de travail, et le changement de mode de rémunération des musiciens qui en résulte, représente le nécessaire et essentiel aboutissement du processus de professionnalisation de l’orchestre. Alors qu’auparavant le salaire par mois variait d’une saison à l’autre, avec l’obligation faite aux musiciens d’effectuer au minimum 80% des services proposés par l’orchestre chaque saison, il existe dorénavant un salaire fixe calculé sur la base d’un nombre minimal de services que les musiciens doivent effectuer par saison. A la fin de chaque saison, soit le musicien a effectué plus de services que le minimum et ceux-ci sont payés au tarif syndical, soit l’orchestre a proposé moins de services, mais le salaire du musicien ne change pas. Quant aux salaires, ils ont globalement été augmentés (en moyenne 35% au tarif du service). En outre, le règlement d’orchestre a été modifié et complètement revu, sans changements majeurs cependant en ce qui concerne le fonctionnement interne de l’orchestre.
site internet : www.locg.ch
INTERVIEW :
Président de la sous-section USDAM de L’OCG depuis sa fondation le 2 décembre 2011, Marc Liardon a participé dès le début à l’élaboration de cette CCT. Il répond à nos questions :
En quoi la CCT s’inscrit-elle dans le processus de professionnalisation de L’OCG ?
Il devenait urgent de renégocier les salaires très bas des musiciens. Le passage en sous-section USDAM et la négociation d’une CCT nous confèrent une plus grande crédibilité comme orchestre professionnel vis-à-vis de la Ville et de l’Etat de Genève et nous permettent de faire partie de l’Association suisse des orchestres professionnels. En bref, cela nous offre une base plus solide pour l’avenir de l’orchestre.
Quelles ont été les réactions des musiciens à cette nouvelle CCT, ainsi qu’aux modifications induites par le nouveau règlement d’orchestre ?
En automne 2013, un premier texte non encore validé par l’USDAM a été présenté aux musiciens et discuté en assemblée générale de la sous-section. Les réactions ont été dans l’ensemble positives et des remarques très pertinentes nous ont permis d’affiner notre vision pour la suite de l’avancement des travaux. Un vote positif des musiciens nous a donné le feu vert pour l’aboutissement de la CCT.
Y a-t’il encore des attentes du côté de l’orchestre ?
Il est évident que les salaires obtenus, s’ils représentent un changement radical et une nette amélioration, ne sont qu’une première étape. Les prochaines négociations à poursuivre en 2017 porteront sur l’obtention d’annuités comme le font d’autres orchestres, les finances de l’orchestre n’ayant pas encore permis de les octroyer cette année.
L’OCG a vécu de nombreux changements de chefs ces dernières années. Il semble maintenant qu’un bon partenariat ait été trouvé avec le nouveau chef titulaire. Comment cette période un peu chaotique a-t-elle été vécue par l’orchestre, et comment les musiciens voient-ils maintenant l’avenir ?
J’aimerais d’abord contextualiser et expliquer les réalités derrière cette image de nombreux changements de chefs à L’OCG : les chefs titulaires sont élus par l’ensemble des musiciens selon une procédure précise établie dès le départ du fondateur de l’orchestre, Thierry Fischer, en 1997 déjà. Les contrats des chefs titulaires sont établis pour une durée de trois ans, renouvelables ou non sur votation des musiciens. A titre d’exemples, Lev Markiz a succédé à Thierry Fisher pour trois ans, mandat non renouvelé. Michaël Hoffstetter est resté six ans, mandat renouvelé par les musiciens. Patrick Lange a été choisi mais n’est resté qu’une saison, préférant poursuivre sa carrière de jeune chef à Berlin.
Ensuite David Greilsammer, deux violons solos et une nouvelle équipe administrative ont été imposés, sans concertation préalable, et sans respecter la procédure prévue dans le règlement de l’orchestre par le Conseil de fondation. Il en a résulté un audit administratif commandité par notre sponsor principal, ce qui nous a permis une refonte du Conseil de fondation et de l’administration, avec l’arrivée de nouvelles compétences, notamment un nouveau secrétaire général et un président de la fondation, tous deux soucieux de respecter le règlement de l’orchestre. Conformément aux règles en vigueur, les musiciens se sont exprimés en assemblée et ont décidé de ne pas renouveler le contrat de David Greilsammer. Les procédures prévues à cet effet ont donc été appliquées et un processus normal et habituel a ensuite été lancé pour recruter un nouveau chef : Arie Van Beek a été choisi par les musiciens et son contrat renouvelé en 2015 pour une période de trois ans, à l’unanimité des musiciens.
Tout cela pour expliquer que cette période que vous citez comme chaotique a été initiée surtout par le changement de structure et le non-respect des règles en vigueur, induisant un certain degré de méfiance et d’inconfort au sein de l’orchestre, plutôt que par le changement des chefs. En fin de compte, le seul chef d’orchestre à être parti avant la fin d’un mandat est Patrick Lange.
Evidemment, durant ces périodes de tension, les rangs se sont resserrés et finalement l’effet positif a été de retrouver aujourd’hui un orchestre plus soudé qu’auparavant. Les changements intervenus en 2011 et la négociation de la CCT ont permis de rétablir le dialogue entre la fondation et les musiciens et d’instaurer une compréhension mutuelle ainsi qu’un climat très positif. Tous les orchestres connaissent des périodes difficiles, mais aujourd’hui l’harmonie et la confiance prédominent au sein de L’OCG, et je pense que nous, musiciens, pouvons voir l’avenir avec un peu plus de sérénité que par le passé grâce à la structure mise en place.
A titre personnel, je suis heureux que le travail accompli durant la négociation de la CCT ait été effectué dans un esprit de consensus. Les divergences de vue ont été mises à jour, discutées et résolues au mieux des intérêts des deux parties, non dans une logique d’affrontement, mais dans un dialogue constructif et constant. J’aimerais finalement rendre hommage et remercier Robin Lemmel, délégué des musiciens, qui a assumé un rôle très actif dans l’élaboration de la CCT. Son implication durant toutes les phases de négociations a également été un immense atout pour la réussite de ce projet.